2min temps de lecture   par Benedict Vanclooster le 26 juin 2021
À l’automne 2019 décédait l’ancien coureur cycliste français Raymond Poulidor, grand-père de Mathieu et David van der Poel. Poulidor était âgé de 83 ans. L’« éternel second » (bien qu’il ait fini à cinq reprises troisième au classement final du Tour de France et « seulement » trois fois deuxième) était demeuré immensément populaire après sa carrière sportive. J’avais réalisé une interview hors du commun de Poupou dans… un supermarché français.

Il était installé sur une petite estrade, aménagée pour l’occasion dans une grande surface E. Leclerc, à Chantonnay, en Vendée. Un supermarché comme décor d’une interview, c’était une première pour nous. Pour Poupou, les établissements E. Leclerc étaient en quelque sorte son deuxième biotope. Il se livrait à une quarantaine de séances par an dans des supermarchés, à travers toute la France, un peu comme saint Nicolas. Il s’asseyait alors de dix à dix-neuf heures à une table, tandis que derrière lui, les moments de gloire de sa carrière étaient diffusés sur un écran de télévision et que les gens faisaient la queue pour obtenir un autographe. C’était plus de quarante ans après sa dernière course, en 1977, toujours au service de la marque de vélos française Mercier. Il entendait souvent les mêmes questions et les mêmes remarques : il aurait dû gagner le Tour de France, il avait eu beaucoup de malchance, les duels avec Jacques Anquetil manquaient au public. Mais Poulidor ne trouvait jamais cela ennuyeux. Il ne pouvait pas se passer du contact avec les gens. Le jour où il devrait vivre comme un anonyme, il serait profondément malheureux, a-t-il déclaré.

Poulidor passait souvent deux jours de suite à distribuer des autographes. Il séjournait alors dans un hôtel et appelait son éditeur le soir afin de prendre des nouvelles. Car quand Poupou signait des autographes dans un supermarché, il ne le faisait jamais sur une photo ni sur une carte de collection que les gens apportaient. Il utilisait exclusivement un des quatre livres en vente qui lui étaient consacrés. « Ça marche bien », disait-il. En principe, une centaine de livres se vendait par jour.

Parfois, les clients du supermarché n’en croyaient pas leurs yeux. « Vous êtes vraiment Monsieur Poulidor ? », lui lançaient-ils. L’occasion était trop belle pour ne pas se moquer gentiment d’eux, trouvait Poupou. Il répondait alors : « Non, ce n’est pas moi, mais les gens croient que c’est moi. Monsieur Poulidor ne vient pas dans les supermarchés ! » – « Incroyable, vous avez la même voix que lui ! » Raymond était comme ça.

Lorsque j’ai appris la nouvelle de son décès, j’ai inévitablement repensé à cette journée hors du commun passée dans le supermarché. Poupou, Monsieur Poupoularité, je ne t’oublierai pas.

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